TRANSPLANTATION FÉCALE ET TRAITEMENTS DE DEMAIN

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Interview du Pr Harry Sokol

La transplantation fécale peut nous apprendre beaucoup sur les traitements de demain. Le Pr Harry Sokol et son équipe (Hôpital Saint-Antoine, Inserm, CNRS) ont publié à la fin de l’été un article important dans la revue Gastroenterology qui suggère que certaines souches de bactéries transplantées lors de la transplantation fécale persistent de façon longue dans le microbiote du receveur. En effet, cette étude, financée par l’afa, s’intéressait à l’« identité » et au comportement des bactéries transplantées, en plus de l’efficacité de la transplantation elle-même.

Vous aviez déjà identifié les bactéries du microbiote de receveurs après transplantation fécale. En quoi cette nouvelle étude apporte-t-elle de la nouveauté ?

Nous nous sommes intéressés effectivement il y a quelques mois au séquençage et à l’analyse de l’ADN du microbiote transplanté grâce à un outil de séquençage relativement peu onéreux, « le 16S », mais qui est peu précis. L’équipe a donc réanalysé les mêmes échantillons dans une nouvelle étude mais avec une méthode d’analyse beaucoup plus puissante qui est le séquençage dit en « shotgun ». La différence ? La technique du 16S va séquencer un petit morceau du génome de chaque bactérie de l’intestin et cela va nous donner une identité approximative de la bactérie, alors que grâce à la technique de shotgun, tout l’ADN de chaque bactérie est séquencé. On peut alors avoir une identité vraiment plus précise, notamment sur les fonctions portées par la bactérie en plus de son identité.

Qu'avez-vous découvert ?

Nous avons pu confirmer que certains changements dans le microbiote du receveur après la transplantation fécale persistaient pendant au moins 6 mois. Nous avons pu identifier ces souches du donneur qui persistent chez le receveur, ce qui démontre un effet relativement long terme de la transplantation fécale. Certaines bactéries persistantes ont plutôt un effet bénéfique et d’autres ont des effets soit neutres soit délétères. L’intérêt était de voir précisément la durabilité de la transplantation. Cependant, ce sont des résultats très préliminaires car nous avions un petit échantillon de patients, il faudrait pouvoir confirmer nos résultats sur une étude plus vaste

A terme, à quoi ces découvertes pourraient-elles amener en pratique ?

Encore une fois, ce travail est vraiment préliminaire. Dans les perspectives à long terme, nous pourrions ainsi avoir des pistes pour mieux qualifier ces bonnes bactéries qui s’installent durablement. Mais d’autres études avec beaucoup plus de patients sont nécessaires. En pratique, elles pourraient permettre d’identifier les composantes actives bénéfiques dans le microbiote des donneurs (et qui s’implantent chez le receveur), à partir desquelles nous pourrions fabriquer des solutions thérapeutiques stables. Le message que l’on peut également faire passer, c’est que les études cliniques de transplantation fécale chez les patients ont bien sûr pour objectif de savoir si celle-ci est efficace pour traiter la maladie, mais ces études ont aussi un très grand intérêt pour identifier les composant actifs (notamment les bactéries) porteurs des effets thérapeutiques et donc les traitements de demain. Je remercie sincèrement l’afa de contribuer à cet effort important.

Pr Harry Sokol

Interview extraite de l’afa magazine de décembre 2020.

RÉFÉRENCES
Kong L, Lloyd-Price J, Vatanen T, Seksik P, Beaugerie L, Simon T, Vlamakis H, Sokol H, Xavier RJ. Linking strain engraftment in fecal microbiota transplantation with maintenance of remission in Crohn’s disease. Gastroenterology. 2020 Aug 26:S0016-5085(20)35116- 7. doi: 10.1053/j.gastro.2020.08.045. Epub ahead of print. PMID: 32860788.

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