L’interview complète d’Emie Pecquais, bénévole de l’afa et diététicienne nutritionniste à la ville

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Interview

Emie Pecquais est diététicienne nutritionniste, formée à l’ETP et bénévole de l’afa. A plusieurs reprises elle est intervenue dans des « micidiscuss » afin d’expliquer les connaissances actuelles sur l’alimentation et les MICI. Ayant accepté de répondre à quelques questions dans le supplément afa mag Nord Ouest vous retrouverez ci-dessous l’intégralité de ses propos.

Afa Mag : Devant toutes les informations sur l’alimentation que l’on trouve sur internet ou dans les livres, comment s’y retrouver ?

Emie Pecquais : Quand on est atteint d’une MICI ou quand on est un proche de malade, on se pose naturellement des questions sur son alimentation. En portant vos recherches sur internet, ou dans des livres, vous découvrirez alors une multitude d’information, de témoignage, le plus souvent assez encourageant dans l’amélioration de la maladie. Que faire de toutes ses informations ? Je vais essayez de vous éclairer dans vos recherches.

Tout d’abord il est important de cibler l’objectif de votre recherche. Il n’y a pas d’alimentation ou d’aliments miracles qui permettraient de guérir de la maladie. Il est donc préférable de se méfier des sites ou des personnes :
– Qui mettent en avant une guérison de la maladie
– Qui promeuvent un « régime miracle » en jouant sur la peur d’une alimentation moderne
– Qui excluent une ou plusieurs catégories d’aliments
Il est important de garder un sens critique et de ne pas se laisser influencer par l’espoir de la guérison. Par contre, il peut être intéressant de recueillir des témoignages, des
astuces de personnes qui ont amélioré leur confort digestif, diminué leur fatigue, tout en maintenant le plaisir de manger. En sachant que chaque malade est différent et ne réagira pas de la même façon aux changements alimentaires.
Faites-vous confiance, ayez l’esprit critique.

En pratique, en faisant abstraction de l’aliment en lui-même, ayez à l’esprit que votre organisme a besoin d’énergie, de protéines, de vitamines et de minéraux pour fonctionner le mieux possible. Pour cela la variété
alimentaire est importante. Donc si vous supprimez toute une catégorie d’aliments comme par exemple les produits laitiers, ou si vous souhaitez devenir végétarien ou végétalien, il y aura forcément des carences et vous risquez sur le long terme de fatiguer votre organisme. Il ne sera plus performant pour faire face à la maladie.

Si vous avez été convaincu par un livre ou un article sur un changement que vous souhaitez faire, faîtes vous accompagner par un diététicien.
Il fera en sorte de maintenir une alimentation équilibrée tout en vous accompagnant dans vos choix alimentaires. Il saura aussi avoir l’esprit critique, ce qui vous permettra de prendre du recul sur l’efficacité du
changement, car seul, vous pourriez avoir de l’appréhension à revenir en arrière, même si vous constatez qu’il n’y a pas vraiment d’amélioration.
Vous vous créez des peurs alimentaires.

On pourrait conclure que lorsque l’on souhaite se documenter sur l’alimentation il faut différencier les informations agressives et anxiogènes avec les témoignages qui peuvent vous donner des idées et vous aiguiller tout en ayant conscience que ces maladies sont très personnelles. Ne modifiez pas votre alimentation du jour au lendemain, peut-être qu’il y a des points qui pourraient être changés, dans l’idéal avec conseil d’un diététicien nutritionniste, mais pensez à la progressivité.

Afa mag : Le régime sans résidus est souvent maintenu à long terme, pourquoi est-ce peu conseillé et comment en sortir ?

Emie Pecquais : Les résidus (fibres) sont des produits non digestibles par les enzymes qui transitent dans le tube digestif. On distingue :
• Les fibres solubles (conseillées en cas de diarrhées) car elle donne du volume aux selles.
• Les fibres insolubles (conseillées en cas de constipation) car elles agissent sur le péristaltisme intestinal
• On peut y rajouter le lactose si la lactase est insuffisante, qui peut accélérer le transit.

Ces fibres sont retrouvées dans :
– Tous les légumes crus ou cuits
– Tous les fruits crus ou cuits
– Toutes les céréales complètes et leurs dérivés
– Le son et tous les produits enrichis en son
– Tous les fruits secs et oléagineux

Donc dans le cadre d’un régime sans résidus il y aura suppression des aliments ci-dessus.

Les effets des fibres sur l’organisme :
▪ Elles contrôlent la diarrhée avec une meilleure formation des selles
▪ Elles augmentent la motricité du côlon et favorisent des selles plus grosses et fermes.
▪ Elles provoquent des ballonnements (car les bactéries de la flore colique s’en nourrissent).
▪ Elles contribuent au maintien de la flore intestinale (prébiotiques)
▪ Elles peuvent boucher en cas de rétrécissement ou de sténose.

Dans quel cadre recommande-t-on de mettre en place ce régime ?
– En cas de symptômes digestifs (5 à 7 diarrhées/jour, +/- du sang, +/- des glaires, +/- douleurs digestives).
– Lors d’une coloscopie
Sur 3 à 4 semaine maximum, régime à élargir rapidement.

Il important de souligner que les fibres (résidus) ne sont pas responsables de la maladie, elles améliorent le confort digestif.

Pourquoi réintroduire les fibres ?

– Elles peuvent améliorer une diarrhée chronique. En effet comme spécifié ci-dessus les fibres solubles donnent du volume au selles et donc leur réintroduction peut améliorer le transit. Les fibres solubles
sont retrouvées dans les fruits et les légumes.
– Les aliments qui contiennent des résidus (fibres) sont sources de vitamines et minéraux. L’organisme en a besoin pour fonctionner efficacement. Si vous êtes carencé cela accentuera la fatigue et votre organisme devra gérer et la maladie et la carence minérale et/ou vitaminique.
– Garder de la variété dans ses choix alimentaires, ne pas perdre le plaisir de manger, ne pas avoir « d’interdit » qui pourraient créer de la frustration.

Comment réintroduire les fibres ?
Il est possible de vous faire accompagner durant la période de réintroduction par un diététicien nutritionniste.

Voici quelques pistes permettant de tester le retour de certains aliments en douceur :
– Attendre la fin de la poussée (diminution douleurs intestinales, selles plus consistantes)
– Réintroduire les aliments à la maison, dans un environnement confortable
– Tester un seul aliment « nouveau » à la fois
– Commencer par des petites quantités en les augmentant progressivement
– Laisser quelques jours de pauses dans la réintroduction et observer la tolérance digestive
– Réessayer plusieurs fois de petites quantités en cas de troubles et en marquant une pause
– Varier les modes de préparation et de cuisson
– Privilégier les repas avec de petits volumes toutes les 3 heures
environ

N’hésitez pas à aller sur MICIconnect et d’ouvrir la fiche pratique « manger avec une MICI : en poussée et en rémission ». Vous trouverez un tableau de réintroduction complet qui vous guidera.

Conclusion, le régime sans résidus est une aide transitoire lors de symptômes digestifs plus intenses. Il n’est pas à maintenir sur le long terme car l’organisme a besoin de variété alimentaire afin qu’il puisse avoir tout ce qu’il lui faut pour bien fonctionner.

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